Nous préparons activement le Requiem pour un conquérant de Gérard Legoupil, et j’ai consacré un billet pour expliquer ce qu’est un Requiem, laissant de côté le Dies irae, Jour de colère, qui était au coeur des messes des morts jusqu’à ce que le concile Vatican II décide de l’écarter.
Même si l’ensemble du poème manifeste une foi profonde dans le pardon et dans la grâce, cette pastorale de la peur a été heureusement remplacée par une pastorale de l’amour et de la miséricorde de Dieu. Le Dies irae est une séquence, un long poème du XIVe siècle qui évoque essentiellement le jugement de Dieu à la fin des temps. Un jour d’effroi, où seul subsiste un faible espoir de pardon.
En grégorien
Le texte latin et sa traduction (source wikipedia)
| Dies iræ, dies illa, Solvet sæclum in favílla, Teste David cum Sibýlla ! Quantus tremor est futúrus, quando judex est ventúrus, cuncta stricte discussúrus ! | Jour de colère, ce jour-là Il réduira le monde en cendres, David l’atteste, et la Sibylle. Quelle terreur à venir, quand le juge apparaîtra pour tout strictement examiner ! |

Tuba mirum, la 3ème strophe de la séquence, est un morceau de bravoure (cf les Requiem de Mozart et de Verdi). Il évoque le son effrayant de la trompette du jugement dernier : même la Mort en restera stupéfaite (Mors stupebit).
| Tuba mirum spargens sonum per sepúlcra regiónum, coget omnes ante thronum. | La trompette répandant un fracas effarant à travers les tombeaux des contrées rassemblera tous les peuples devant le trône. |
Ecoutez ici le Tuba mirum du Requiem pour un conquérant de Gérard Legoupil.
Mors stupebit ! Même la mort est frappée de stupeur. Rien ne sera caché, rien ne sera impuni.
| Mors stupébit et Natúra, cum resúrget creatúra, iudicánti responsúra Liber scriptus proferétur, in quo totum continétur, unde Mundus iudicétur. Iudex ergo cum sedébit, quidquid latet apparébit, n(ih)il inúltum remanébit. | La Mort sera stupéfaite, et la Nature aussi , quand ressuscitera la créature, pour répondre à son juge. Un livre écrit sera produit, dans lequel tout sera contenu ; d’après quoi le Monde sera jugé. Quand le Juge donc tiendra séance, tout ce qui est caché apparaîtra, et rien ne restera impuni. |
Quid sum miser? l’angoisse face au jugement.
| Quid sum miser tunc dictúrus ? Quem patrónum rogatúrus, cum vix iustus sit secúrus ? | Pauvre de moi, que pourrai-je dire? Quel protecteur demanderai-je, quand à peine le juste sera en sûreté ? |
Rex tremendae majestatis, la 8ème strophe de la séquence est comme une transition entre la terreur du jugement dernier et l’espérance, encore timide, de la grâce et du pardon que le pécheur sollicitera dans le Recordare.
| Rex treméndæ maiestátis, qui salvándos salvas gratis, salva me, fons pietátis. | Roi, de terrifiante majesté, Toi qui sauves ceux qui doivent être sauvés par sa seule grâce Source d’amour, sauve moi, |
Recordare, le pécheur repentant implore la bonté de Dieu à travers son fils Jésus, dont le sacrifice sur la croix a sauvé les hommes.
| Recordare, Iesu pie, quod sum causa tuae viae ; ne me perdas illa die. Quærens me, sedísti lassus, redemísti crucem passus, tantus labor non sit cassus. | Souviens-toi, Jésus si doux, que je suis la cause de ta venue ici-bas; ne me perds pas en ce jour. En me cherchant, tu t’es assis fatigué, Tu m’as racheté par la Croix, la Passion, que tant de travaux ne soient pas vains. |
Juste Judex, mais Dieu reste un Dieu vengeur, dont il faut obtenir la clémence.
| Juste Iudex ultiónis, donum fac remissiónis ante diem ratiónis. Ingemísco, tamquam reus, culpa rubet vultus meus, supplicánti parce Deus. | Juste Juge de ta vengeance, fais-moi don de la rémission avant le jour du jugement. Je gémis comme un coupable, la faute rougit mon visage, Dieu, accorde au suppliant le pardon. |
Qui Mariam absolvisti, le suppliant rappelle les exemples de Marie-Madeleine la pécheresse admise au pied de la croix et du bon larron à qui le pardon divin est accordé. Car il s’agit d’éviter le feu éternel de l’enfer, où brûleront les boucs (émissaires?), tandis que les brebis seront sauvées.
| Qui Maríam absolvísti, et latrónem exaudísti, mihi quoque spem dedísti Preces meæ non sunt dignæ, sed tu bonus fac benígne, ne perénni cremer igne. Inter oves locum praesta, et ab hædis me sequéstra, státuens in parte dextra. | Toi qui as absous Marie (-Madeleine), et exaucé le bon larron, à moi aussi tu as donné l’espoir. Mes prières ne sont pas dignes Mais toi qui es bon, fais par bonté que je ne brûle pas dans le feu éternel. Fais-moi une place parmi les brebis Et tiens-moi loin des boucs en me plaçant à toi droite. |
Confutatis, si les maudits sont condamnés aux flammes brûlantes, le pécheur, en suppliant, demande le salut.
| Confutatis maledictis, flammis acribus addictis, voca me cum benedictis. Oro supplex et acclinis, cor contritum quasi cinis, gere curam mei finis. | Confondus, les maudits, voués aux flammes ardentes, appelle-moi avec les bénis. Suppliant et prosterné, je prie, le cœur brisé et comme réduit en cendres : prends soin de ma dernière heure. |
Lacrimosa, un jour de colère divine, un jour de larmes pour le pécheur au moment du jugement, mais avec l’espoir du pardon.
| Lacrimósa dies illa, qua resúrget ex favílla iudicándus homo reus. Huic ergo parce, Deus. Pie Iesu Dómine, dona eis réquiem. | Jour de larmes que ce jour-là, où ressuscitera, de la poussière, pour le jugement, l’homme coupable. Celui-là donc, épargne-le, ô Dieu. Doux Jésus Seigneur, donne-leur le repos. Amen. |
